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COMMENTS ON MANNING - "ONE SMALL STEP..." BY olivier Cruchaudet (Big Bang MAGAZINE)


MANNING – One Small Step
Royaume-Uni – Progrock Records– 57: 47

Mine de rien, voici déjà le septième album de Guy Manning depuis sa première réalisation en 1999. Eh oui, vous ne vous trompez pas, à ce rythme là cela donne bien un disque par an ! Pas mal, quand on sait que ce multi-instrumentiste britannique n’est pas non plus avare de ses services, puisque sa collaboration déjà ancienne avec Andy Tillison (souvenez-vous de Parallel And 90 Degrees) l’amène à participer régulièrement aux albums de The Tangent. Avec une pareille référence, inutile de dire que le talent est aussi au rendez-vous, et que chacune de ses productions s’avère de grande qualité. Comment se fait-il, dans ces conditions, que l’on ne parle pas plus souvent du bonhomme, aussi bien dans nos colonnes, d’ailleurs, que dans l’ensemble du microcosme progressif ?

Sans doute est-ce parce que Manning œuvre à la frontière des genres, dans un style qui, sans être foncièrement révolutionnaire, peine à rassembler un public homogène. La marotte du Monsieur, c’est en effet une sorte de folk- progressif «old-school», qui n’est pas sans rappeler, à bien des égards, la patte de Ian Anderson. Un rapprochement d’autant plus inévitable que la voix de Guy Manning, chaude et veloutée, semble adopter de plus en plus les mêmes intonations que celle de son illustre modèle. Par ailleurs, notre homme possède un don évident pour composer des mélodies immédiates et accrocheuses («catchy», comme disent les anglophones), aussi à son aise dans de délicieuses pop-songs qu’au format «suite à tiroirs» plus typiquement progressif.

Comme sur certains de ses prédécesseurs (The Ragged Curtain, ou A View From My Window), One Small Step offre un panel de compositions assez contrasté, avec d’une part une série de chansons suaves et sophistiquées, et d’autre part une pièce de résistance de plus de 30 minutes, constituée cette fois de huit sous-parties étroitement imbriquées (honnêtement, il me semble entendre ici un «tout» parfaitement homogène). Dans le premier exercice – le format folk-song, donc -, Manning fait preuve d’un savoir-faire tellement rodé qu’il atteint tout simplement le sans faute, d’autant qu’il se voit une nouvelle fois entouré de nombreux invités, conférant à ses compositions une grande richesse sonore (saxophone, fiddle, guitare électrique, sans compter les instruments assurés par le maître de cérémonie lui-même, dont la mandoline, les guitares acoustiques, l’accompagnement rythmique et les claviers, aux timbres agréablement analogiques). Depuis «In Swingtime», qui ouvre l’album sur une rythmique entraînante, traversée par de fluides épanchements de saxophone, en passant par les fragiles ritournelles folkisantes de «Night Voices», jusqu’au très country «Mexico Lines», la qualité de l’écriture est aussi irréprochable que l’interprétation elle-même (mention spéciale pour le pont instrumental débridé de «No Hiding Place»…).

En ce qui concerne le format étiré, j’avoue ne pas avoir été, jusqu’à présent, totalement convaincu par le travail de Manning, la faute à des structures trop linéaires et distendues à mon goût pour capter l’attention de bout en bout. Si cette observation s’applique encore une fois à la pièce qui nous est ici proposée (et qui donne son titre à l’album), ses implications négatives sont toutefois de moins en moins pertinentes. Sorte de longue méditation sur le futur spatial de l’humanité, tapissée de langoureux accompagnements de guitare acoustique et ponctuée par un violon expressif, «One Small Step» possède un pouvoir hypnotique particulièrement ensorcelant. Cette longue ballade atmosphérique, d’une sérénité presque contemplative, se résout à la 20ème minute par un somptueux break instrumental, dans lequel guitare électrique, flûte (assurée pour l’occasion par Martin Orford himself), orgue et saxophone s’entremêlent sur des arabesques planantes en diable. Rien que pour ce magnifique final, cette pièce mérite vraiment le détour.

Bref, One Small Step ne révolutionne ni le genre progressif, ni le propre répertoire de son géniteur, mais consolide son édifice discographique de manière fort probante, dans un sens toujours ascendant. Si le talent de song-writer de Manning ne fait plus de doute, on peut toutefois encore espérer le voir développer ses penchants progressifs avec une inspiration plus contrastée. En attendant, le présent album enfonce le clou avec un tel brio qu’il serait irrationnel de se faire du souci pour l’avenir. Honnêtement, «Manning» et «qualité» sont pour moi deux termes si étroitement associés que je ne l’imagine pas capable de décevoir son public… à moins de le lasser à force de professionnalisme. De la belle ouvrage, vraiment !

Olivier CRUCHAUDET

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